J'adhère à la philosophie de Carl Rogers et sa psychologie humaniste au service de l'être. Expérimenter la connexion profonde, l'empathie, l'accueil inconditionnel de l'autre dans un contenant sécurisé où la personne peut être ce qu'elle est sans danger, tout cela a changé ma vie. Voir l'autre non pas comme un malade mais une personne entière qui exprime ce qu'elle vit, une personne qui a des resources si on lui laisse le temps, pouvoir revenir à soi, reprendre ses responsabilité, travailler en groupe, ce sont des expériences uniques issues de ses travaux. J'aime ces moments de partage et d'échange à ces niveaux profonds, en groupe ou en binôme. Ces expériences à vivre furent pour moi une énorme révélation.

J'aime la CNV de Marshall Rosenberg pour la douceur et le respect autour de cet art de vivre avec soi et les autres. J'y vois une forme de transcendance et j'apprécie le concept "d'hygiène psychologique" à prendre ses responsabilités. La découverte des besoins en CNV m'a bouleversé et m'a permis de donner du sens sur mes courants intérieurs. J'aime l'ouverture de conscience que permet la CNV, notamment en portant son regard sur ses intentions. Je peux l'habiller comme je le veux, mon intention aura des conséquences par la suite. A moi de les assumer en toute conscience.

Il est nécessaire de vivre l'impact de la CNV dans la relation avec soi et les autres pour se rendre compte de sa puissance d'ouverture et de profondeur. Se relier à l'autre en comprenant les besoins qui l'animent permet une relation profonde et touchante car l'on se comprend dans notre essence.

Il est aussi une prise de conscience incroyable à vivre combien dans notre quotidien, notre langage, nos modes de vie ou nos relations nous avons été conditionné pour déborder sur les autres, ne pas être responsable de soi et de ce qui se joue en soi. La violence est là.
Cette prise de conscience est renversante mais elle permet de vivre pleinement "je" et "nous".

Je crois que le principal risque de la CNV est de rester sur une grammaire et un langage qui rendent la relation aux autres non authentique ce qui met de la distance. La CNV est un chemin de vie qui touche à l'être. Cela prends de toute évidence du temps. Je me donne ce temps.

J’expérimente sur mon chemin personnel les apports du focusing. Toutes les blessures psychologiques sont enregistrées dans le corps qui conserve une mémoire de toutes les situations. Positionner son attention, son regard et son écoute curieuse à ce niveau là, le corps. Lui reconnaitre une intelligence propre, autonome et une grande sagesse peu utilisée. Apprendre à baisser le mental pour écouter ce corps qui sait. Ne pas se voir comme un cerveau qui pilote une machine corporelle qui obéit, mais lui reconnaitre sa propre intelligence précise, hyper ajustée pour faire alliance avec la puissance analytique du mental. Voilà une grande richesse juste là, à portée de ressenti.

Le focusing est une expérience unique pour moi en lien avec l’IFS. Certaines libérations passent par le corps. J’ai pu expérimenter que la psychologie et la spiritualité sont corporelles.

Et puis arrive cette journée qui fut un tournant dans ma vie. J'étais directeur des services Europe dans une smallcap américaine, je passais ma vie dans les hôtels, les trains et les avions. La crise des subprimes secouait le monde, on est en 2008. J'avais rendez-vous avec mon directeur américain de l'époque. Mes équipes et moi-même avions fait progresser les revenus sur l'Europe, pendant que l'Asie et surtout les US s'effondraient. Je m'attendais à une augmentation, des félicitations, une reconnaissance à la hauteur de nos investissements personnels. L'entretien fut court et d'une violence inouïe pour moi. J'étais viré, je prenais mes affaires l'heure suivante et d'un coup tout était fini. J'avais vu ces moments dans des films, je le vivais dans ma vie.

Mais le plus difficile à vivre n'a pas été cette séquence. Ce qui m'a fait totalement m'effondrer le soir même, c'est cette phrase de mon directeur comme explication : « Laurent, you are too smart, US are irritated ». Cette phrase n'avait aucun sens pour moi, comment une société pouvait-elle me reprocher d'être intelligent ?

J’ai mis des années à comprendre ce retour, à pouvoir discerner mes modes de fonctionnements, à être en paix avec cela, en particulier mon rapport à la hiérarchie. Et oui, je n’étais vraiment pas tendre avec mes patrons, ni avec moi-même et les circonstances de la vie me le montrait dramatiquement une fois de plus.

Ce soir là, avec le soutien de mon épouse, je me suis dit qu’il était temps de se connaitre. J'ai tout stoppé et j'ai alors pris le temps de l'errance. J'ai respecté mon rythme à contre courant de tout ce qui m'entourait et sans céder à la pression sociale de notre société. Mon rythme, avec ses temps longs de digestion et toutes ses fulgurances. Et là j'ai pu voir, écouter, ressentir ma vie qui fuyait à tout allure auparavant.

Depuis tout petit j'adore les feux d'artifice. Il me faudrait relire Bachelard sur la psychanalyse du feu pour mieux comprendre maintenant le pourquoi de cette passion qui a été dévorante chez moi.

J'ai donc été artificier pour la maison Lacroix-Ruggieri et d'autres sociétés. J'ai adoré ces moments sur le terrain où nous avons vécu entre technique et artistique, des relations humaines intenses. Sur un chantier le temps s'arrête, on pirate quelques jours des lieux du quotidien pour monter une oeuvre éphémère qui fait rêver des milliers de personnes. Sur un chantier je me suis senti pleinement vivant dans ce temps suspendu.

En 2001 j'ai développé le logiciel PyroMotion qui était le premier logiciel avec une interface graphique moderne, inspirée des logiciels de musique comme Cubase par exemple. L'idée était de placer graphiquement une pièce d'artifice sur une timeline musicale et la bombe s'ouvre au moment du coup de cymbales. Ce logiciel a eu son petit succès dans ce microcosme. Il m'a aussi permis d'être en contact avec d'autres sociétés dans le monde. Ce logiciel est toujours utilisé aujourd'hui.

J'ai commencé à développer PyroMotion un peu après que mon épouse tombe enceinte de notre premier garçon. J'ai développé ce logiciel avec passion. C'était ma couvade à moi. Sauf que 9 mois après, notre enfant naissait dans une beauté et une complexité du vivant incroyable et mon logiciel était d'une limitation et d'une pauvreté fonctionnelle affligeante. J'avais voulu me comparer à la Vie. Oh bah oui… je me rappelle de cette prise de conscience intense de la force du vivant par rapport à ce que nous pouvions faire de nos mains, nous les hommes. J'aime la technique mais face au vivant qui nous traverse je crois qu'il y a une dimension sacrée devant laquelle le silence et la contemplation s'impose.